Le piercing buccal : un effet de mode aux conséquences parfois irréversibles
Anneaux à la langue, barbell à la lèvre, bijou au frein de la langue… Les piercings buccaux connaissent un véritable engouement, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes. Manifestation d’un style ou d’une forme d’expression personnelle, ces ornements ne sont pourtant pas sans conséquence sur la santé bucco-dentaire. Derrière leur apparente innocuité, ils peuvent entraîner des lésions parfois graves et irréversibles.
Pour mieux comprendre les risques du piercing buccal sur la santé dentaire, il est essentiel d’en connaître les impacts sur les dents, les gencives, la muqueuse orale et les structures osseuses. Un simple geste esthétique peut en réalité devenir un véritable facteur de dégradation de la santé buccale à long terme.
Les traumatismes dentaires liés aux piercings buccaux
La présence d’un bijou métallique constamment en contact avec les dents favorise l’usure prématurée de l’émail. En tournant ou en cognant contre la dent, notamment lors de la mastication ou en parlant, le bijou agit comme un abrasif. Il peut provoquer :
- Des fissures sur l’émail
- Des fractures dentaires, parfois jusqu’à la racine
- Une hypersensibilité ou des douleurs dentaires chroniques
Les incisives inférieures et supérieures sont souvent les premières concernées, en particulier dans le cas de piercings de la langue ou du labret (lèvre inférieure). Des études cliniques montrent que jusqu’à 47 % des porteurs d’un piercing à la langue souffrent de fractures dentaires (source : National Center for Biotechnology Information).
Les risques pour les gencives : récession gingivale et inflammation
Un autre effet secondaire majeur concerne les tissus gingivaux. Le frottement répété du bijou métalique, en particulier sur les incisives mandibulaires, peut entraîner une récession gingivale marquée. Cela signifie que la gencive se retire et expose davantage la racine de la dent, provoquant :
- Une sensibilité accrue au chaud et au froid
- Un risque élevé de caries radiculaires
- Un risque de déchaussement ou de mobilité dentaire
La chirurgie parodontale devient souvent nécessaire lorsque la récession atteint un stade avancé. Selon la Harvard School of Dental Medicine, les porteurs de piercings buccaux sont jusqu’à trois fois plus susceptibles de développer une maladie parodontale.
Infections et complications dues aux bactéries
La cavité buccale est un milieu hautement bactérien. Chaque insertion de bijou ajoute un point d’entrée pour les germes, surtout en cas de mauvaise hygiène ou de manipulation fréquente du piercing. Les principaux risques infectieux comprennent :
- Les abcès localisés
- Les infections fongiques (candidose orale)
- Des infections systémiques, notamment endocardites bactériennes, dans les cas extrêmes
Ces infections peuvent se déclencher dans les jours qui suivent la pose, mais elles peuvent également apparaître plus tard, en cas de détérioration locale des tissus. C’est pourquoi un suivi médical et dentaire régulier est indispensable pour les porteurs.
Perte de goût, troubles de la parole et sécheresse buccale
Moins connus, d’autres effets secondaires sont d’ordre fonctionnel. Le piercing sur la langue peut affecter les papilles gustatives environnantes et altérer le goût. Des sensations de brûlure ou d’inconfort sont aussi rapportées.
Du fait de la gêne mécanique ou du stress potentiel sur les nerfs locaux, on note par ailleurs chez certains patients la survenue :
- De troubles de l’élocution (zozotement, difficulté à articuler certains sons)
- D’une salivation excessive ou au contraire d’une sécheresse chronique (xérostomie)
Ces troubles peuvent avoir un impact non négligeable sur la vie sociale et professionnelle, notamment dans les métiers de la communication ou de la relation client.
Risques lors de l’intervention : complications post-perçage
Bien que le perçage paraisse simple, il repose sur la perforation de tissus vivants, parfois riches en terminaisons nerveuses et en vaisseaux sanguins. Les complications directes du geste incluent :
- Des hémorragies (en particulier pour la langue, très vascularisée)
- Des lésions nerveuses pouvant provoquer une perte de sensibilité ou des douleurs neuropathiques
- Des atteintes osseuses si l’emplacement du bijou est mal choisi
Le ministère de la Santé recommande que les piercings buccaux soient réalisés exclusivement par des professionnels formés, dans un cadre répondant à des normes d’hygiène strictes, conformément à l’Arrêté du 11 mars 2009 relatif aux règles d’hygiène applicables aux pratiques de tatouage, de perçage et de maquillage permanent.
Piercing buccal et appareils dentaires : un duo incompatible
Le port d’orthodontie, de contention ou d’un appareil mobile est une contre-indication fréquente au piercing. Le contact entre le métal du bijou et celui d’un appareil dentaire peut :
- Créer des accrocs ou des blocages, notamment en dormant
- Altérer les composants de l’appareil orthodontique
- Accroître les microtraumatismes dans la cavité buccale
Cette incompatibilité est également prise en compte dans le suivi des adolescents en traitement orthodontique. Les professionnels de santé bucco-dentaire déconseillent fortement la pose de piercings buccaux chez les porteurs d’appareils.
Les précautions à prendre pour limiter les risques
Si malgré les avertissements, certains choisissent de se faire poser un piercing buccal, des précautions doivent être respectées pour réduire les complications :
- Choisir un perceur professionnel respectant les normes sanitaires françaises
- Éviter de jouer avec le bijou ou de le mâchonner
- Pratiquer une hygiène buccale irréprochable (brossage, bains de bouche antiseptiques)
- Surveiller régulièrement l’état de ses dents et de ses gencives auprès de son dentiste
Certains types de bijoux, comme ceux en bioplast ou en titane, sont considérés comme moins abrasifs et mieux tolérés sur le plan dentaire. Malgré tout, ils ne rendent pas le piercing totalement « sûr » pour la bouche.
Une décision à ne pas prendre à la légère
Au-delà de l’aspect esthétique, le piercing buccal expose à des risques de santé souvent sous-estimés. S’il n’est pas toujours source de complications graves, il implique néanmoins une surveillance constante de la santé buccale. Le rôle du chirurgien-dentiste est essentiel dans la prévention, le diagnostic et la gestion des effets secondaires liés à ces piercings.
Il est donc recommandé aux personnes souhaitant se lancer dans cette démarche de consulter un professionnel de santé bucco-dentaire en amont. Ce dernier pourra conseiller sur les risques, recommander des mesures de prévention et assurer le suivi de l’état buccal à long terme.
Pour celles et ceux qui prennent soin de leur sourire, il est important de bien peser les bénéfices esthétiques d’un piercing avec les conséquences parfois irréversibles sur l’émail, les gencives et les fonctions orales fondamentales.
